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Corinne Bouteleux - Ici et Maintenant

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14 septembre 2014

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14 septembre 2014

LUI et ELLE / ELLE et LUI

ELLE

Je comptais les pavés de la rue Gay-Lussac. J’arrivai au nombre quatre-vingt dix neuf, quand je me retournai. Il n’était plus là. Il ne me suivait plus. Un goût de réglisse me vint dans la bouche. Me désirait-il encore ? Et moi, je le désirais toujours ? Quand il s’enfermait un long moment dans la salle de bain ressortant fort passionné un magazine féminin à la main. Était-ce du désir ou bien était-il excité par ses femmes à demi-nu. Notre passion si délictueuse des débuts virait au liquide sirupeux, voire lénifiant sans odeur ni couleur. Des niaiseries de vocabulaire, des gradations littéraires sans queue ni tête, des surenchères anesthésiant les oreilles, des mots que des mots abscons pour ce qu’on vivait actuellement. Des mots de rien et rien de bien. Des mots que j’avais envie d’entendre et qu’il avait envie de dire. Même pas pour le plaisir mais pour la beauté du mot. Il célébrait les mots plus que mon corps.

En fait, je me soumettais. Je ne le désirais plus mais je n’arrivais pas à me l’avouer. Mon corps était en grève général. Hors service. Je n’avais plus de pulsions alors il fallait que je lui mente. Je rêvais d’une autre rencontre. Ce n’était nullement dans mon intention de le tromper. Je l’aimais. Je chérissais la manière dont il me faisait l’amour et c’est pour cela que je restais auprès de lui. Faire l’amour et recevoir de lui correspondaient à ce que j’avais imaginé en sortant avec lui. Un autre homme aurait été incapable de me donner la même chose. Si je le quittais, il me manquerait forcément. Je me retournai une dernière fois. Il ne me suivait plus. Je continuais mes comptages pharaoniques. J’en étais arrivée à neuf cents. Neuf cents. Neuf siècles. Et où en sera notre amour dans neuf siècles ? Il n’existerait plus. Notre amour n’était ni marqué par l’histoire ni le temps.

J’aurais aimé avoir recours une dernière fois à Eros pour sauver mon couple, notre couple. Et si je relisais Tristan et Iseult pour tirer des leçons de leur histoire d’amour qui se perpétuait au cours des siècles. Je ne devais pas perdre de temps. J’entrai dans la seule librairie de la rue Gay-Lussac. Je cherchais le rayon « littérature médiévale ». Le roman m’apparut comme par enchantement. Il m’attendait. La tranche blanche et verte me sauta aux yeux. Adolescente, je l’avais lu. Où l’avais-je rangé depuis. Ce n’était pas important. Dans les déménagements il y a toujours quelque chose qui disparaît ou qu’on laisse à la vie d’avant. Une espèce de trous noirs des objets qui disparaissent entre deux lieux. Le lieu d’avant et le futur lieu.

Cette impossible histoire d’amour entre Iseult, la belle, et Tristan, me faisait rêver depuis longtemps. J’aurais pu rencontrer un Tristan, cela aurait été plus facile. C’était écrit. Il m’aurait aimée malgré tout. Nous n’étions pas Tristan et Iseult ; seulement Ariane et Thierry et, ces deux là, l’histoire ne les avait pas aidés.

Je réfléchissais sur cet amour qui avait laissé des traces dans le temps. Une idée me vint à la tête, je la chassais aussi vite. Ne pas m’embrouiller avec des idées parasites. J’avais assez de soucis... Je me dirigeai vers le vendeur lui demandant, feignant l’ignorance, de me raconter brièvement l’Histoire de Béroul. Le libraire accepta faisant l’apologie du désir unilatéral qui était « absolu » (à l’époque). Et vlan ! Prends ça dans les dents ! Et il insista sur le désir et sur l’adjectif « maîtrisé ». Il insista encore, et rajouta que le désir était « canalisé dans l’amour courtois ainsi dans le but de produire le discours amoureux ». On aurait dit qu’il faisait une conférence sur le fine amor. Puis, ajouta que ce désir n’était jamais réalisé – « consommé » dit-il à voix basse pour que personne ne l’entende. Je crus qu’il avait rougi, un peu. Pourtant, je pensais que... Tristan et Iseult… Je lui demandai s’ils n’avaient pas fait quelque chose… Il m’expliqua que c’était immoral à cette époque et me pria de le lire, me le tendant en tournant les talons. J’aurais aimé lui lancer un regard torve mais il était trop loin. De quoi se mêlait-il après tout… Je posai le livre sur la table de la librairie et filai. Ses intellos, y’en avait marre ! Avant de rencontrer Thierry, à Athènes, j’étais sortie avec Michel, un cérébral, un peu manipulateur pervers, égocentré et maladroit au lit. Mais intellectuel ! J’avais cru avoir une idée de génie. Pourquoi aller chercher dans la littérature du passé ce que le monde actuel m’offrait. Les romans actuels parlaient bien d’amour, nonobstant de désir. Je me sentis bannie. J’y étais. Mon passé me rattrapait. J’eus une bouffée d’angoisse et m’assis sur un banc. Je respirais par le ventre. J’avais envie d’entendre sa voix, comme ça, sans rien dire au bout du fil. Je caressai sur l’écran de téléphone, la touche du prénom sans forcer dessus. La douceur de l’écran me rassura. Je savais que je pouvais l’appeler à n’importe quel moment. Alors, je refermai mon mobile. Je n’arrivai pas à l’appeler. J’étais bouleversée. Je ne sais pas ce qu’il me prit, je touchai la tourmaline rose qu’il m’avait offerte, retournai le chaton dans tous les sens. Assise sur ce banc, seule. Les promeneurs passaient sans me regarder, je crois que j’étais devenue invisible à leurs yeux. Je me ressaisis, retournai ma bague dans l’autre sens et marchai encore un peu. Comment allais-je surmonter mon désir manquant. Je n’osais pas en parler à mes amies. Mon éducation ne me le permettait pas. Et puis, la peur d’être jugée de la part des autres. Je préférais me taire. Je rentrais chez moi.

Puis, l’hiver passa rapidement. C’était bien. Pas trop de démonstrations à Noël ; nos sorties de moins en moins fréquentes. Je m’ennuyais et tous les soirs m’abandonnait dans ses bras. Sans rien ressentir. C’était le mitan d’avril, le printemps s’annonçait comme une cerise sur le gâteau. Cela faisait neuf mois que je tergiversais. Que faire de notre couple. Crise passagère comme les nuages murins qui glissent dans le ciel. Vraie crise. Fallait-il faire un enfant pour reconsolider le couple. En avais-je envie ? Ce soir là, il arriva cinq minutes après moi, son éternelle cigarette à la bouche. Je sus qu’il avait quelque chose à me dire. Amusant même : il me demanda si ma journée s’était bien passée ! Preuve qu’il ne me regardait plus, nous étions dans le même bureau, nous travaillions ensemble toute la journée. Moi, près de la fenêtre, lui, la porte. Des banalités comme celles-ci je m’en passerais bien. Thierry tournait autour du pot. Jamais, il ne me parlait du travail en dehors des heures de boulot. Il se leva. Je restais dans le salon ; j’entendis des bruits dans la chambre. Une espèce de zip. Il faisait sa valise. C’était comme si, monsieur le policier, comme si on m’avait coupé les jambes ou tout autre membre de mon corps. Je retournai dans le salon. Trois mots résonnaient dans ma tête : Il va partir. S’il partait, c’était rédhibitoire : un couple séparé ne se remet jamais ensemble. Pour loi, c’était clair. Puis, d’un coup, la lumière s’éteignit. Écran noir. Je m’effondrai dans un fauteuil. Le sien. Nous avions des habitudes, mine de rien. J’avais à peine trente ans et des habitudes. Chacun avait sa chauffeuse lui, la noire ; moi, la blanche. Comme si la pureté du blanc était réparatrice alors, je m’y lovais dedans tous les soirs après le travail. Je sentis que la pièce s’illuminait. J’étais sur le point de me lever lorsque j’heurtai contre le cendrier à mes pieds. Son cendrier gorgé de mégots froids, sans filtre. Offrande aux dieux du cancer dont il avait échappés. Il me rattrapa et en profita pour m’allonger sur le tapis. L’odeur y était infecte. Cela me tétanisa. Je voyais bien que son regard changeait. Devenait-il fou ? Il cherchait quelque chose, tournait la tête dans tous les sens.

Je me réveillai allongée sur le banc de la rue Gai-Lussac.

 

LUI

Elle adorait se promener dans Paris pour compter les pavés mais aussi les parcmètres, les bus, les taxis, les marches... en sortant, du bureau, elle voulait avoir son « quart d’heure pour souffler » comme elle disait. C’était une obligation pour décompresser. Elle m’avait avoué que ses comptes pharaoniques l’obsédaient, il fallait qu’elle le fasse. Depuis, sa tendre enfance, c’était comme ça. Depuis, surtout, que nous étions arrivés à Paris après la rupture avec ses parents.

Ce qu’elle avait fait n’était pas très joli. Moi, non plus. Ses amies lui avaient avoué qu’elles auraient fait la même chose. Malgré tout, la culpabilité était plus forte. Elle savait qu’elles pensaient « ça » pour lui faire plaisir ou pour la protéger. Trahir, Ariane avait su le faire. C’était même de la haute trahison. Trahit-on sa parentèle pour un amoureux ? D’autres femmes l’avaient fait avant elle. Et pas des moindres…

Je la suivais sans qu’elle me voie. J’avais envie de savoir ce qui se passait. Avait-elle un amant. Je la sentais lointaine… Elle sortit son mobile certainement pour appeler sa mère. Je la vis composer un numéro et raccrocher aussi vite. Entendre les reproches, les invectives, les soupirs ou les pleurs de sa mère étaient insupportables pour elle. Ma place numérique dans son répertoire était en premier. Devant mon prénom, elle avait ajouté le chiffre « 1 ». « 1 Thierry ». Le seul, l’unique. Moi. Celui avec lequel, elle avait trahi ses parents. Je l’avais toujours sentie anxieuse. En ce moment, encore plus. Nous passions la majeure partie de la journée ensemble, dans le même bureau. Je la sentais préoccupée et n’osais pas le lui demander. La tête ailleurs même lorsque je lui faisais l’amour. Et c’était quotidien. Avant l’hiver, il lui était arrivé de m’inviter au restaurant. Ariane m’envoya un sms, comme dans les premiers temps de notre rencontre à Athènes, pour me donner rendez-vous dans un petit restaurant dans le Marais. Pour moi, notre couple marchait bien sauf cette histoire avec ses parents qui plombait la nôtre. Alors, j’avais regardé ailleurs, pas très loin. Le bureau d’à côté. La chargée de communication était charmante, douce et compréhensive. Je ne voulais pas abandonner Ariane. Elle était encore sous le choc de l’histoire grecque. À peine, trois ans. Je passerai l’hiver avec elle et au mitan d’avril, j’aviserai. Je la cherchai, elle n’était plus sur le banc. Moi, derrière cette camionnette, je passais pour un idiot. Je pressais le pas pour arriver avant elle à l’appartement.

J’avais l’impression que c’était hier que je l’avais suivie. Nous étions au mitan d’avril. J’avais pris ma décision. Je la quittais. Je l’attendais depuis un moment caché à l’étage au-dessus. Lorsque je l’entendis ouvrir la porte, je descendais du quatrième étage. J’allumais ma cigarette comme tous les soirs avant de franchir le seuil de notre appartement. En arrivant, le salon était noyé dans le soleil de fin de journée, je ne voyais pas Ariane mais apercevait sa silhouette. Je lui faisais un salut de la main. Je n’étais pas loquace. J’étais passé à la librairie du coin et avait feuilleté des livres sur le couple, j’avais cherché la page « séparation – comment lui annoncer ». J’essayais de me souvenir. Je ne voulais pas lui faire du mal. Je m’assis en face d’elle, une bière à la main. Le soleil m’éblouissait, la cime des acacias reflétait dans la baie vitrée. C’était beau. C’était la première fois que j’observais la vue qui nous entourait. Je ressentais quelque chose à l’intérieur. J’allais quitter cet endroit : trois ans de vie commune avec Ariane. Je n’avais pas les mots. J’allais dans la chambre faire ma valise. Je n’emmenais pas large. Je la sentis derrière mon dos, me retournai, personne. Je retournais dans le salon, les rideaux étaient fermés. Elle était prostrée dans « ma » chauffeuse. C’était comme une veillée mortuaire. J’allumai la lampe halogène pour ramasser mon cendrier qui gisait à ses pieds. Trop tard ! Elle tomba maladroitement de travers, je la rattrapai et la plaquai au sol. Elle avait des larmes qui coulaient le long de ses joues rebondies. Je ne savais que faire : l’embrasser, la prendre dans mes bras, la regarder, partir. Toutes ces options me pesaient, j’aurais voulu être un nourrisson tout neuf, sans passif, sans erreurs, sans premier baiser. J’avais trente cinq ans en cadeau, la peur de vivre. En un quart de seconde, j’imaginai la vie sans elle. Je me sentis vide. Un trou dans l’estomac, des douleurs. Lui faire l’amour, c’est tout ce qui me restait à faire puis partir. Je la renversai sur le tapis du salon. Elle ne dit rien. Pas un geste. Pas un regard. Cela me déconcerta. Je me levai, cherchai la sortie. Comme une crise de panique, je ne reconnus plus l’appartement ; je ne reconnus rien. Mes yeux rototypaient, hagards. Désespoir. Je me mis à tousser puis à hoqueter. Trémulations.

 

25 août 2011

PhotoCorinne Bouteleux

25 août 2011

AOUT 2011

LUI
La librairie était bondée. A la veille des fêtes c’est toujours comme ça. Les tables dressées au milieu de la boutique gorgées de livres empilés comme des mastabas. Les odeurs des couvertures neuves, le papier dégageant une odeur de pelure qui me rappelait les préparatifs des santons de Noël chez ma grand’mère.Je sentais même la colle qui se dégageait des pages dites contrecollées. J’étais dans un était divin. Au moment où je me penchais sur l’écran de l’ordinateur de la librairie pour vérifier l’état du stock des « Plantes médicinales ».une chaleur étrangement suintante envahissait l’atmosphère. Je retirais mon écharpe, ouvris mon manteau. Le livre que je voulais n’était plus en rayon mais j’allais tout de même vérifier par pure méfiance des non actualisations. Je me baissai pour regarder dans le rayonnage et un ange blond (je ne voyais que les cheveux) m’apparut.
J’étais un grand timide mais je décidai de me soigner. Poncif mais idée efficace ? Je devais certainement plaire aux femmes. Ce n’est pas que je leur déplaisais, je ne suis pas désagréable à regarder. Je plais. Je le sais. Je m’en apercevais assez souvent. Intérieurement, lorsque j’en vois une qui me plait, j’ai comme un blocage, un tour de clef se fait et tout s’arrête : je sue à grosses gouttes, je bégaie. Pour remédier à mon vieux célibat, j’ai décidé d’utiliser la magie... un parfum. Internet le confirmait que le mélange de jasmin, magnolia, cannelle et jenesaisplusquoi attirait les femmes. Je l’avais commandé la semaine précédente et aujourd’hui je le testais. Le hasard m’apportait sur un plateau cet ange blond.
L’ange blond se releva et nous tombâmes nez à nez. Je rougis. Je n’osais plus parler ni même m’excuser de peur de bégayer. Elle s’excusa, me toisa. C’est vrai que je ne suis pas mal pour mes trente-huit ans. Pas très grand mais dans la moyenne, juste pour la dépasser un peu de quelques centimètres. Elle avait l’air perturbé, peut-être que le parfum usait de son philtre, l’envoutait. Moi, j’étais subjugué. Elle me plut tout de suite. Elle tourna les talons. J’étais comme aimanté. Il ne fallait pas que je la laisse partir. Alors, je la suivis. Elle allait de rayon en rayon. Je retirai mon manteau car la fièvre montait. Je décidai de prendre sur moi. Quel moyen allais-je utiliser pour lui parler, rentrer en conversation avec elle sans être trop évasif, lui faire voir que j’avais peut-être des choses en commun avec elle. Une idée me vint. Le parfum ! Je l’avais dans ma poche. Je le sortis discrètement et pschitt ! Pschitt ! Miracle !
Elle arriva vers moi et me demanda : « Vous n’êtes pas Monsieur Delacroix ». J’étais interloqué. Je bredouillai un « ouwouuii ». Elle me connaissait ? Je ne la reconnaissais guère. Qui était-elle ? Elle me rétorqua : « Vous voyez qui je suis ? Le silence s’abattit. « Ce n’est pas grave »… et à peine le dernier mot dit, elle disparut dans le fond de la librairie. Je me retenais, mes jambes se tétanisaient. Fallait-il que je la suive à nouveau. Je réfléchissais (pas trop longtemps) me remis un peu de parfum, fermai les yeux pour profiter de l’instant et me concentrer afin d’exprimer la bonne phrase sans bafouiller. J’y allais. Transporté par des ailes jusqu’au fond du magasin. Je ne la voyais plus. Volatilisée ! Elle était sûrement accroupie en train de rechercher un ouvrage. Personne.
L’ange s’était définitivement envolé...

ELLE
La librairie regorgeait de livres. Je détestais tous ces best-sellers sur les tables, posés comme de vulgaires marchandises qu’on achalande pour les fêtes de Noël. Cette odeur de marchandising, d’achats à la va-vite, c’était du n’importe quoi. J’étais venue pour lire des passages de « Humain trop Humain ». Je cherchais donc Nietzsche sur l’étagère, comme j’étais un peu fatiguée je m’étais trompée de rayonnage et j’étais perdue dans les plantes aromatiques : leurs fleurs, leurs bienfaits, leurs propriétés. Hâtivement, je m’en aperçus. En me relevant très vite, je faillis embrasser un homme. Son parfum très prégnant me secoua les narines. Il sentait le jasmin, la lavande et une autre senteur que je n’arrivais pas à repérer. Cependant, le parfum ne m’était pas inconnu. Je restai auprès de lui comme prisonnière de cette fragrance si forte. Il était pas mal mais un peu vieux, l’air libidineux. Je le reconnus très vite : Monsieur Delacroix, mon prof de philosophie au lycée. Il fut étonné que je prononce son nom mais ne me remit pas. Il faut dire qu’il y avait maintenant cinq ans que j’avais passé le bac ; des élèves, il en avait vu défiler... Je le laissai dans l’embarras – petite vengeance perso – et changeai aussi rapidement que possible de rayon. Je sentais qu’il me suivait en se déshabillant, derrière mon dos. Etait-il devenu exhibitionniste ? J’accélérai le pas. J’avais envie d’aller lire dans un coin comme d’habitude. Jacques, le vendeur, me fit un clin d’œil ne comprenant pas mon comportement. J’étais hyper stressée, j’évitai les regards. J’avais peur. Que me voulait-il ? Je pense qu’il avait l’âge de mon père. Cette pensée me relia avec mon père et je reconnus immédiatement le parfum de mon père dans mon professeur de philo ! « Lune de miel » ! Le nom du parfum. Mon père, grand dragueur devant l’éternel, portait ce parfum depuis que j’étais petite. Je m’en souvenais. Tous les hommes sont des don juan : mon père, mon prof et même mon voisin (du moins ce que j’en savais par sa femme). C’était « ça » qui m’avait interpellé. L’odeur de mon père, quand il venait me dire bonsoir au coucher et qu’il repartait, soi disant, travailler. Alors, il fallait que je me débarrasse de sa présence trop présente et pressente. Je filai en direction du fond de la librairie, m’accroupis entre deux rayons. Je le vis entre Japrisot et Jonquet. Il me cherchait. Quel vieux satire ! Je profitai d’un moment où il me tournait le dos pour courir (discrètement) vers la sortie de secours.

19 mars 2011

état d'âme climatique

Le matin était printanier. Le vent frais caressait le jour lumineux. La pièce était inondée d’un jaune crue où l’odeur des citronniers pénétrait par la fenêtre ouverte. Plus la matinée avançait plus on sentait les fragrances : lilas, bougainvilliers, roses... le temps était à la gaité, aux rencontres. Cependant, dans le ciel quelques petits nuages comme des filaments fragiles avançaient lentement dans l’azur. L’heureuseté de cette journée se sentait partout dans l’air.


L’ombre sur le parquet laissait supposer un soleil bas et chargé. Au loin, comme une armée mystérieuse, une cohorte de nuages gris argumentait en faveur d’un orage presque présent. Des ombres gigantesques étaient chargées d’électricité et, de temps en temps, un éclair s’échappait du ciel de plomb. Soudain, l’atmosphère se glaça et une fenêtre s’ouvrit violemment. Le vent s’engouffra dans la pièce faisant tabula rasa de tous les objets...


Le temps était doux. Une espèce de velours qui s’irisait en une douceur d’été avant la chaleur pesante. Il était trop tôt. Les rues encore désertes. Temps à la promenade des potron minet. Le bitume encore asséché de la veille dégorgeait déjà une chaleur presque présente. Et seul dans cet immense ciel céruléen, un petit nuage voyageait vers une destiné inconnue.


La fin d’après-midi était champêtre. L’heure était au retour. Les brumes de chaleur couronnaient les grands arbres ; ce halo faisait encore plus ressortir l’humidité de l’air. La canicule était sur le point de s’endormir. L’herbe jaune, lascive et assoiffée s’écrasait sous les pas. Cela crépitait ! Ce halo doré irisait la lagune. Il faisait très chaud et cette chaleur aiguisée avait atteint son paroxysme. La brume s’épanouissait comme une rose éclose. Ce nimbe clandestine déformait le paysage, le tordait, le rendait incompréhensible ; l’eau de la lagune se noyait dans un jaune cru. Et, au loin, on apercevait la ville couleur sanguine. Plus haut, des cirrus transperçaient le ciel.


Tout était calme et plat. Tout était gris. La brise imperceptible caressait l’herbe. Le ciel dormait quand, soudain, il devint gris mauve puis mauve. Une lumière lointaine s’approchait comme pour égayer les alentours. Malgré tout on sentait la pluie qui menaçait. Alors, une goutte timide et fraiche s’échappa des nuages. Ensuite, un rayon de soleil écarta les nuages qui se mirent à fondre de joie. Il pleuvait et faisait beau temps à la fois : le Diable battait sa femme !


Entre chien et loup. La lumière mystérieuse se blottit dans le creux de la terre. Le temps propice à la rêverie. L’atmosphère mi-fraiche mi-douce composait une journée en deux temps : le jardin inondé d’ombre et le ciel éclairé comme pour mieux se montrer.
Les peupliers dressés, comme une armée, s’assombrissaient ; on sentait que la nuit arrivait à grands pas.

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17 janvier 2011

artistes !

Vous pouvez consulter le blog des "Heures bleues" pour un appel à projets pour la Journée de la Femme 2011.
http://les-heures-bleues.blogspot.com

28 février 2010

EDITIO de l'association "LES HEURES BLEUES"

Edito

« Les Heures Bleues », association qui a pour but la promotion, la valorisation et la connaissance de l’art contemporain pérégrine à la recherche du moment où se fait la création. L’art est symbole de l’émancipation des femmes. De tout temps, depuis le moyen-âge, les femmes ont « lutté » pour avoir une autonomie sociale et sexuelle. C’est à travers l’art que la femme s’est imposée, d’abord par l’écriture puis par les Arts Plastiques, la sculpture, la musique...

Dans ce projet, une volonté de faire connaître les expressions personnelles d’artistes femmes.

Après avoir visité chaque atelier d’artiste, moment privilégié, « Les Heures Bleues » a choisi comme fil rouge reliant toutes ces femmes : la création besoin vital. Donc, l’association a glané ces œuvres de femmes Haut-Normandes pour le Centenaire de la Journée de la Femme. Toutes ces artistes ont en commun, la frénésie de créer, leur vie quotidienne n’est que création même si elles ont un métier concomitant à leur pratique. L’expression artistique des femmes est puissante à tous les âges de la vie, ainsi que la volonté de créer.

« Les Heures Bleues » tient à montrer cette pluralité des œuvres représentées, bien sûr ce n’est pas exhaustif, une soixantaine d’artistes montrent leurs propos artistiques plastiques ou scéniques : surprenants, insolites, prodigieux, discrets, iconoclastes, particuliers…

Donc des femmes artistes engagées dans leur pratique artistique et dans la vie. Des femmes qui ont fait également des choix de vie. Des femmes artistes débutantes ou expérimentées : richesse de la figure féminine.
Les femmes sont semblables mais si différentes et si singulières à la fois.

Corinne Bouteleux – Présidente de l’association « Les Heures Bleues »

28 février 2010

JOURNEE DE LA FEMME

Des textes seront lus pendant la journée de la Femme par des comédiennes à l'Hôtel de Région Haute-Normandie à Rouen.

3 janvier 2010

janvier 2010

Chers Tous,

 

Les lois qui gouvernent notre monde sont parfois cruelles. Commençons la nouvelle année avec plus de compassion, d’écoute, de courage, de grandeur d’âme ; moins de renoncement et de défaillance. Découvrons ensemble le Monde pour qu’il n’y ait plus un monde entre nous tous !

Allons au bout de nos idées, faisons le tour de nos questions pour en parcourir nos propres mondes. Inventons notre monde céleste dans ce bas monde. Nous sommes venus au monde pour mettre au monde des enfants, des œuvres d'art, des rêves, des folies, des mythes, des pensées, des concepts et des moments inoubliables…

Pour rien au monde je ne vous dicterai la suite… À Vous de l’écrire, de la chanter, de la mettre en musique, de la peindre, d’en parler…

 

Excellente Année 2010

Corinne Bouteleux

15 décembre 2009

Décembre 2009

Sa robe blanche est tachée de rouge. Il fait très froid en cet après-midi de décembre 2009. Quatorze heures trente. Le soleil est bas, il reflète sur la Seine, un rougeoiement imperceptible. Sur les bords des quais, la Seine est ponctuée de barques rouges. Clara y est allongée près de Paul. Elle a les yeux fermés. Lui aussi. Sa chemise blanche porte une petite tache rouge, on dirait qu’une rose y est dessinée. Le soleil leur caresse le visage. Ils sont beaux.

Quatorze heures trente sept. La barque avance lentement emportant les deux amoureux. Elle passe le long de l’île La Croix puis glisse sous le pont Corneille, un chalet rouge gît sur la pointe de l’île. Un chalet canadien.

Quatorze heures quarante-trois. L’intensité du soleil s’estompe, la clarté du jour est chargée par de lourds nuages qui annoncent une neige presque présente. La barque stagne un moment près du chalet comme si les amoureux trouvaient un dernier refuge. Le flux et le reflux du fleuve les bercent. Soudain, une péniche passe près de l’embarcation ce qui provoque un remous et un peu d’eau saute dans la chaloupe, cela éclabousse la petite dunette qui les protège du froid. La petite coque rouge reprend un plan stable et repart vers l’embouchure.

Quinze heures. Ils voyagent vers le pont Boieldieu, les grands navigateurs, au-dessus, ouvrent leur œil bienveillant : bonne traversée mes chers enfants murmurent-ils. Allongés, ils sont. Leur respiration céleste, parfois impalpable est au rythme des flots. Leur amour tumultueux est dorénavant apaisé. L’ardeur de leurs sentiments promet une fin intangible. Ils sont libres, libres de s’aimer, de voyager ensemble.

Quinze heures huit. Les voilà près du Pont Jeanne d’Arc. La sensualité est visible : leurs mains l’une dans l’autre, enlacées, enchevêtrées dans un fil éternel et lascif offre à Corneille la possibilité d’écrire un drame.

Quinze heures vingt deux. Le petit radeau avance avec en son ventre la pudeur d’être heureux, l’ultime moment de bonheur. Dehors, il ne fait plus froid. Peu importe maintenant.

Quinze heures quarante, la procession continue, l’esquif est sous le pont Flaubert, la presqu’île Rollet à bâbord, le port de plaisance à tribord. Vogue la passion, le courage de tout quitter pour mieux se retrouver. Dans leur ultime lit, les odeurs de marée montent jusqu’à leurs narines. Olfaction insensible. Pas un bruit. Pas un souffle. Le calme. Plus un mot pour dire leur amour. C’est dit.

Seize heures. Allongés dans leur canot pourpre, rassurant et enveloppant à la fois, les deux amoureux au teint exsangue voguent vers l’éternité. Clara, la robe blanche tachée de vermeil et Paul, la chemise blanche souillée de pourpre.

Dix-sept heures trente. Il fait nuit. Ils descendent la Seine et à Jumièges, des branchages arrêtent leur embarcation. Elle est prise dans le sein des arbres sur la berge. Le pied gauche de Clara est lié au pied droit de Paul. Rien ne les séparera...

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Corinne Bouteleux - Ici et Maintenant
  • Amoureux de l'écriture : écriture de textes littéraires et poétiques. Poésie et Haïku. Animation d'un atelier d'écriture. Arts plastiques et atelier d'artistes. Expositions. Photo du jour...
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