Décembre 2009
Sa robe blanche est tachée de rouge. Il fait
très froid en cet après-midi de décembre 2009. Quatorze heures trente. Le
soleil est bas, il reflète sur la Seine, un rougeoiement imperceptible. Sur les
bords des quais, la Seine est ponctuée de barques rouges. Clara y est allongée
près de Paul. Elle a les yeux fermés. Lui aussi. Sa chemise blanche porte une
petite tache rouge, on dirait qu’une rose y est dessinée. Le soleil leur
caresse le visage. Ils sont beaux.
Quatorze heures trente
sept. La barque avance lentement emportant les deux amoureux. Elle passe le
long de l’île La Croix puis glisse sous le pont Corneille, un chalet rouge gît
sur la pointe de l’île. Un chalet canadien.
Quatorze heures
quarante-trois. L’intensité du soleil s’estompe, la clarté du jour est chargée
par de lourds nuages qui annoncent une neige presque présente. La barque stagne
un moment près du chalet comme si les amoureux trouvaient un dernier refuge. Le
flux et le reflux du fleuve les bercent. Soudain, une péniche passe près de
l’embarcation ce qui provoque un remous et un peu d’eau saute dans la chaloupe,
cela éclabousse la petite dunette qui les protège du froid. La petite coque
rouge reprend un plan stable et repart vers l’embouchure.
Quinze heures. Ils voyagent
vers le pont Boieldieu, les grands navigateurs, au-dessus, ouvrent leur œil
bienveillant : bonne traversée mes chers enfants murmurent-ils. Allongés,
ils sont. Leur respiration céleste, parfois impalpable est au rythme des flots.
Leur amour tumultueux est dorénavant apaisé. L’ardeur de leurs sentiments
promet une fin intangible. Ils sont libres, libres de s’aimer, de voyager
ensemble.
Quinze heures huit. Les
voilà près du Pont Jeanne d’Arc. La sensualité est visible : leurs mains
l’une dans l’autre, enlacées, enchevêtrées dans un fil éternel et lascif offre
à Corneille la possibilité d’écrire un drame.
Quinze heures vingt
deux. Le petit radeau avance avec en son ventre la pudeur d’être heureux,
l’ultime moment de bonheur. Dehors, il ne fait plus froid. Peu importe
maintenant.
Quinze heures quarante,
la procession continue, l’esquif est sous le pont Flaubert, la presqu’île
Rollet à bâbord, le port de plaisance à tribord. Vogue la passion, le courage
de tout quitter pour mieux se retrouver. Dans leur ultime lit, les odeurs de
marée montent jusqu’à leurs narines. Olfaction insensible. Pas un bruit. Pas un
souffle. Le calme. Plus un mot pour dire leur amour. C’est dit.
Seize heures. Allongés
dans leur canot pourpre, rassurant et enveloppant à la fois, les deux amoureux
au teint exsangue voguent vers l’éternité. Clara, la robe blanche tachée de
vermeil et Paul, la chemise blanche souillée de pourpre.
Dix-sept heures trente.
Il fait nuit. Ils descendent la Seine et à Jumièges, des branchages arrêtent
leur embarcation. Elle est prise dans le sein des arbres sur la berge. Le pied
gauche de Clara est lié au pied droit de Paul. Rien ne les séparera...